Auscultations
Il s'agit d'une méthode d'inspection quantitative basée sur la mesure d'instruments, choisis et positionnés pour rendre compte de l'évolution du comportement de l'ouvrage. Le dispositif d'auscultation doit donc être conçu en fonction du type, des dimensions et des particularités techniques de l'ouvrage. L'auscultation a vocation à évoluer pendant la durée de vie de l'ouvrage par abandon d'instruments défaillants ou superflus et par ajouts d'autres instruments en cas de comportement anormal de l'ouvrage.
Dans cette section, on décrit des techniques d'auscultation des barrages en terre, qui sont des ouvrages en terre particulièrement suivi en terme d'auscultation.
Le but recherché est de réunir des informations suffisantes, en nombre et en qualité, pour détecter en temps utile les mécanismes évolutifs susceptibles de nuire à la sécurité de l'ouvrage. Le problème est donc de définir, pour le barrage considéré, les types d'appareillage et leur implantation apportant une garantie satisfaisante pour atteindre cet objectif.
Un principe essentiel est de privilégier la qualité des mesures - choix judicieux des appareils de mesure et de leur localisation - à la quantité.
En ce qui concerne les capteurs, ils doivent répondre aux exigences suivantes :
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robustesse et longévité, car les appareils sont parfois inaccessibles après la construction de l'ouvrage,
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facilité de la mesure, qui doit pouvoir être faite dans de bonnes conditions de fiabilité, par un opérateur non spécialisé,
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précision, car les mesures relevées sont souvent de faible amplitude,
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facilité dans la vérification de la qualité de la mesure, ce qui fait préférer des appareils simples à des appareils « boîte noire »,
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fidélité, puisque toute dérive fonctionnelle entraîne une perte dans la qualité de l'interprétation basée sur la connaissance des évolutions,
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et, si possible, facilité de la maintenance, puisque les appareils sont eux-mêmes soumis au vieillissement et que leur réparation ou remplacement peut un jour s'avérer nécessaire.
On présente les types d'appareils les plus répandus.
Cette mesure participe à trois objectifs :
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améliorer la gestion de la retenue par une connaissance continue des volumes d'eau disponibles, ce qui nécessite, bien sûr, de connaître la relation entre la cote et le volume de la retenue,
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participer à l'auscultation du barrage en permettant d'examiner l'influence de la cote de la retenue sur les mesures de certains instruments (en particulier, débits de drainage et piézométrie),
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enrichir les données hydrologiques.
Deux techniques sont possibles pour la mesure de la cote du plan d'eau :
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si le barrage comporte des parties immergées verticales (tour de prise des barrages en remblai ou parement vertical des barrages poids), on y scelle une échelle continue couvrant l'amplitude des variations possibles du plan d'eau,
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dans le cas contraire, on installe une série d'échelles de 1 m de hauteur, profondément scellées dans le sol et implantées selon les courbes de niveau.
Afin de résister à l'oxydation, ces échelles sont le plus souvent en tôle émaillée. La précision de la mesure est de + 1 cm.
Le contrôle des débits est d'abord visuel. Leur mesure suppose leur collecte : fossé de pied, aménagement d'exutoires.
Deux procédés de mesure des débits sont envisageables :
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par empotement,
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par seuil calibré.
Ces dispositifs sont installés à la sortie des organes de drainage et sur des zones où l'on observe des fuites. Il aussi possible d'équiper un barrage existant d'un fossé de pied aval permettant la collecte des fuites en provenance du remblai et/ou de la fondation.
La mesure par empotement se fait au débouché d'un tuyau ou d'un caniveau et à l'aide d'un récipient gradué et d'un chronomètre. Il faut disposer d'une dénivelée suffisante (de l'ordre de 10 cm minimum) pour pouvoir placer le récipient gradué recueillant l'écoulement. Le récipient gradué peut être remplacé par un récipient de contenance totale connue, et le chronomètre par une simple montre donnant les secondes. Il existe également des dispositifs prêts à l'emploi qui permettent une lecture directe du débit et évitent donc toute erreur de calcul. La précision de la mesure est tout à fait satisfaisante pour autant que la capacité du récipient soit adaptée au débit à mesurer. A cette fin, on visera des temps de remplissage de 1 à 5 minutes.
La mesure par seuil calibré se fait au débouché d'un caniveau. On y construit un petit ouvrage en béton sur lequel est fixé un déversoir à paroi mince, en métal inoxydable ou en plexiglas. La meilleure précision est obtenue avec un déversoir de forme triangulaire. Afin d'améliorer encore la précision, l'angle α peut être adapté en fonction de la gamme des débits effectivement mesurés (à titre indicatif, α < 20° pour des débits jusqu'à 1 l/s et α ≈ 80° pour des débits maximaux de l'ordre de 10 l/s).
Le débit est donné par :
Q = 1420 tan(α/2) h2,5
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h est la charge hydraulique en m, mesurée suffisamment en amont du seuil,
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Q est le débit en l/s.

Les deux formules présentées ci-dessus sont valides pour autant que l'écoulement sur le seuil est dénoyé, ce qui exige une dénivelée minimale entre les niveaux d'eau à l'amont et à l'aval du seuil. En pratique, une dénivelée de 10 cm est en général suffisante. Il faut pour cela que l'eau s'écoule sans obstacles vers l'aval.
L'ouvrage en béton sur lequel est fixé le déversoir doit être réalisé de façon à empêcher son contournement par une partie du débit.
La hauteur h de l'eau au-dessus du seuil doit être mesurée à une distance d'au moins 0,60 m en amont du seuil. Un limnimètre gradué en mm sera fixé de façon à ce que le zéro soit calé au niveau du fond du seuil. La précision de la lecture est de + 1 mm.
On peut classer les appareils en deux familles :
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les piézomètres,
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les cellules de pression interstitielle.
Les piézométres sont bien adaptés à la mesure du niveau piézométrique dans les fondations et en rives. Il s'agit de forages de faible diamètre (60 à 100 mm), équipés de tubes crépinés dans les sols meubles, à l'intérieur desquels s'établit un niveau d'eau en équilibre avec le niveau de la nappe phréatique environnante. La "chambre de mesure" est, le plus souvent, limitée à une courte partie du forage, la longueur restante étant isolée par un tubage et un coulis étanches. Une crépine courte fournira la valeur de la piézométrie dans une couche donnée du barrage alors qu'une crépine longue fournira la pression maximale sur l'ensemble de la hauteur de la chambre de mesure.
Dans les ouvrages en remblai, on utilise parfois des piézomètres à chambre de mesure longue, en vue de détecter des zones de venues d'eau (par exemple en aval du système de drainage d'un remblai), mais la mesure n'est alors pas vraiment représentative d'un niveau piézométrique. Il faut de plus veiller à ce que le piézomètre ne crée pas de communications indésirables entre des zones théoriquement séparées.
La mesure est basée sur une lecture directe au moyen d'une sonde électrique d'environ 1 cm de diamètre donnant la différence de cote entre la nappe phréatique et la tête du piézomètre qui aura été préalablement nivelée. La précision de la mesure est de + 1 cm. Si le forage est artésien, on peut l'équiper d'un manomètre. Dans tous les cas, la mesure peut être faite par une cellule de pression placée à demeure dans la chambre de mesure, ce qui permet, le cas échéant, une mesure automatique.
Les piézomètres à tube ouvert sont bien adaptés pour des sols moyennement perméables et dans les roches fissurées.

La mesure des pressions interstitielles dans les remblais est réalisée par des cellules à contre-pression ou à corde vibrante. La pression interstitielle régnant localement dans le remblai est transmise par une pierre poreuse au dispositif de mesure. Les cellules sont posées pendant la construction du remblai aux niveaux et emplacements choisis et, selon le type, un câble ou des tubulures transmettent l'information au poste de mesure situé dans un local. Le soin apporté à la pose de ces cellules est primordial pour la qualité des mesures ultérieures, d'autant que ces appareils ne sont ni réparables, ni remplaçables. La pose de nouvelles cellules peut cependant se faire en forage, ce qui rend possible l'équipement de barrages en service. Il s'agit toutefois d'une opération délicate et relativement coûteuse.
Les cellules de pression interstitielle ont des temps de réponse plus rapides que les piézomètres. Cependant, le coût du dispositif de mesure les réserve plutôt à des barrages de grande ou moyenne hauteur. Les cellules à corde vibrante sont recommandées pour leur longévité (mis à part les problèmes de léger fluage dans le temps). Leur précision est de l'ordre du demi pour cent (soit 5 cm de colonne d'eau pour une cellule 0-100 kPa).
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Cellule à contre pression
Le dispositif comporte une cellule de prise de pression noyée dans le remblai ou la fondation, une double tubulure flexible reliant la cellule au tableau de mesure, une valise ou un tableau de mesure avec bouteille d'azote sous pression et manomètres. Au tableau de mesure peuvent être reliées plusieurs cellules par l'intermédiaire d'une rampe de robinets. Pour une meilleure longévité, il convient de choisir des tubulures en polyéthylène plutôt qu'en rilsan.
L'intérieur de la cellule comporte une membrane. D'un côté de cette membrane s'exerce la pression interstitielle par l'intermédiaire de la pierre poreuse. Le principe de la mesure consiste à équilibrer la pression interstitielle par une contre pression appliquée grâce à la bouteille d'azote.
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Cellule à corde vibrante
Le dispositif comporte une cellule de prise de pression noyée dans le remblai ou la fondation, un câble électrique reliant la cellule au tableau de mesure, une valise contenant un dispositif d'excitation de la corde et de mesure de sa fréquence de vibration.
Le principe de la mesure est le suivant : la pression interstitielle se communique par la pierre poreuse à un diaphragme. Une corde métallique est tendue entre un point fixe et ce diaphragme. Les variations de pression communiquées au diaphragme font varier la tension de la corde et donc sa fréquence propre de vibration (comme une corde d'instrument de musique). C'est cette fréquence de vibration que l'on mesure après excitation de la corde par un électro-aimant disposé à l'intérieur de la cellule.

On peut distinguer schématiquement deux types de mesures de déplacements adaptés aux petits barrages :
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les mesures topographiques qui permettent de connaître les déplacements de repères matérialisés sur le barrage par rapport à des bases fixes situées autour de l'ouvrage : nivellement pour suivre les tassements, mesures d'alignement pour suivre des mouvements dans la direction amont aval, planimétrie pour suivre les mouvements dans les deux directions horizontales,
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les pendules et les élongamètres (ou extensomètres à grande base) qui permettent des mesures de déplacements différentiels entre la table de mesure et le point d'ancrage du fil ou de la barre. Si le point d'ancrage est situé en profondeur dans le rocher de fondation, on mesure alors un déplacement absolu.
Les mesures topographiques sont d'une mise en œuvre assez lourde, ce qui conduit à des périodicités de mesure de l'ordre d'une à deux fois par an, avec la nécessité de faire appel à un géomètre. Elles permettent a contrario d'avoir une vision d'ensemble du barrage. Les mesures par pendules ou élongamètres sont plus précises et plus simples (elles peuvent donc être réalisées fréquemment). Mais ces instruments sont coûteux et leur installation doit être faite par des entreprises hautement spécialisées, ce qui concrètement les réserve aux barrages de taille moyenne ou grande.
Les mesures de nivellement concernent essentiellement les barrages en remblai.
Les repères de nivellement sont des bornes en béton de dimension suffisante, bien ancrées dans le remblai et munies d'une pointe sur leur face supérieure (figure 5). Ils sont implantés sur le couronnement du remblai (bord amont ou aval). Pour les barrages de plus grande hauteur (à partir de 15 m), on peut prévoir une deuxième ligne de repères sur le parement aval (par exemple sur une risberme).
Ces repères sont nivelés depuis des piliers d'observation placés sur les rives dans des zones stables (figure 6). Ces piliers en béton, de dimension conséquente, sont munis de plaques de centrage pour la fixation d'un niveau à bulle.
Lors des mesures, on réalise systématiquement un cheminement aller et un cheminement retour. La précision dépend des distances de visée. Elle est en général de l'ordre du demi centimètre et, dans de bonnes conditions, peut atteindre le millimètre.

Pour les petits barrages de type poids, il n'est pas nécessaire de faire appel à des dispositifs complexes de mesures topographiques en trois dimensions. On se satisfait de mesures dans les seules directions amont - aval et verticale.
Des réglettes sont scellés sur le couronnement du barrage dans le sens amont – aval. Elles sont alignées dans le sens de rive à rive, à raison de une par plot ou une tous les 10 à 15 m. Les piliers d'observation du type décrit plus haut sont implantés sur les rives, également dans ce même alignement. Ces piliers matérialisent donc une ligne fixe par rapport à laquelle on effectue une lecture sur les réglettes scellées, afin d'obtenir les déplacements dans le sens amont - aval. Les mêmes repères et piliers peuvent également servir au nivellement afin de contrôler les tassements.
La précision des mesures d'alignement est de l'ordre du millimètre, parfois meilleure.
Il s'agit d'une mesure par triangulation à partir de piliers situés autour de l'ouvrage. Ces mesures exigent une très grande technicité du topographe (utilisation de méthodes de compensation d'erreurs et calcul des ellipses d'incertitude) et sont, à ce titre, peu adaptées aux petits barrages, d'autant que l'incertitude des mesures, de l'ordre du millimètre dans les situations favorables, peut atteindre plusieurs millimètres pour des vallées larges. En résumé, nous ne recommandons pas ce type de dispositif pour les petits barrages.
Le principe du pendule est celui du fil à plomb : le fil est scellé à une de ses extrémités et passe à l'autre extrémité devant une table de mesure fixée sur le barrage. Selon que le point de scellement du fil est situé en partie haute ou en partie basse, on parle de pendule direct ou de pendule inversé. Pour le pendule direct, la mise en tension du fil est assurée par un poids, tandis qu'elle est assurée par un flotteur pour le pendule inversé. La table de lecture, dite "à pointes de visées", assure une précision de l'ordre de 1/10 mm. Le pendule présente toutes les qualités exigées des appareils d'auscultation ; on peut effectuer des lectures fréquentes, en toutes saisons. Les pendules sont, en pratique, réservés aux barrages en béton ou maçonnerie. Ils peuvent être installés sur des ouvrages existants où ils remplacent alors avantageusement les mesures topographiques. Le pendule est un instrument dont la mesure est facilement automatisable, mais dans ce cas, il est toujours recommandé de conserver des mesures manuelles aux fins de vérification.

Ce dispositif permet de mesurer les variations de longueur d'une base matérialisée par un fil Invar ou une tige métallique ou en fibre de verre. Le fil (ou la tige) est scellé au fond d'un forage, en un point suffisamment éloigné du barrage pour être considéré comme fixe. A l'autre extrémité, on mesure les variations de longueur du fil ou de la tige par rapport à une plaque de référence solidaire du béton ou de la maçonnerie du barrage. La mesure est faite au comparateur avec une précision de quelques centièmes de millimètres. On peut également utiliser des capteurs électriques pour autant que l'on dispose d'une alimentation en énergie. Les applications principales pour les petits barrages en béton ou maçonnerie sont :
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mesure, en galerie, du déplacement amont aval du pied du barrage (forage subhorizontal),
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idem, mais depuis le parement aval.
Selon que l'on mesure le déplacement relatif dans une ou dans trois directions, on distingue les fissuromètres ou les vinchons.
Ces appareils sont installés sur un joint ou sur une fissure dont on veut suivre les évolutions. On mesure les déplacements relatifs des deux lèvres du joint ou de la fissure, en général dans l'axe perpendiculaire au plan de joint (ouverture du joint). Dans cette famille, il existe toute une gamme d'appareils du plus simple au plus sophistiqué :
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le témoin de fissuration fournit seulement une information en tout ou rien : la fissure continue à jouer ou est désormais inactive. En plâtre, résine ou mortier, le témoin doit être parfaitement bien scellé, et être conçu pour se rompre au droit de la fissure (section rétrécie),
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le fissuromètre avec mesure au vernier (mesure au 1/10è de mm),
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le fissuromètre avec mesure au comparateur (mesure au 1/100è de mm),
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le fissuromètre avec capteur inductif (mesure au moins au 1/100è de mm mais nécessité d'une alimentation en énergie).
Le vinchon permet de suivre les mouvements relatifs dans les trois directions (ouverture, rejet et glissement). Le vinchon est constitué de deux pièces métalliques scellées de part et d'autre du joint ou de la fissure qu'il ausculte. La section des pièces métalliques doit être au minimum de 2 cm x 2 cm.
La mesure se fait au pied à coulisse avec une précision de lecture du 1/100è de mm. Cependant, compte tenu d'autres sources d'erreurs, la précision de la mesure est d'environ 0,05 mm. La qualité globale de la mesure dépend largement du soin apporté au scellement de l'appareil et de la rigidité des pièces métalliques : un vinchon "bricolé" n'est d'aucune utilité.
