Décalcification - Lixiviation
Principes
La décalcification du béton se produit lorsque celui-ci est exposé à des solutions acides. L'eau de pluie acidifiée, l'eau faiblement minéralisée (eau souterraine), les eaux industrielles, les eaux usées sont susceptibles de décalcifier les hydrates du béton. Lorsque les ions calcium issus de la décalcification migrent vers l'extérieur du béton, on parle de lixiviation.
Les efflorescences de calcite apparaissant sur les parements de béton sont des indices de lixiviation. La majorité des structures en béton est relativement peu affectée, même si des efflorescences sont visibles (la lixiviation reste superficielle). Les ouvrages les plus exposés sont les ouvrages industriels et les barrières ouvragées des sites de stockage profond des déchets nucléaires, soumis à une température élevée et au ruissellement des eaux souterraines.
La lixiviation des bétons sous l'action de solutions acides conduit à une dissolution progressive des constituants de la pâte de ciment. La portlandite Ca(OH)2 est une cible privilégiée en raison de sa bonne solubilité à température ordinaire. Après dissolution de la portlandite, les autres hydrates tels que les aluminates de calcium, le monosulfoaluminate de calcium, l'ettringite et les silicates de calcium hydratés (gels de C-S-H) subissent à leur tour une dissolution progressive. Ceci entraîne la formation de zones de minéralogie constante délimitées par des fronts de dissolution. L'exemple suivant montre ces fronts dans le cas d'une lixiviation à l'eau déminéralisée (pH 7) [Adenot 1992], avec les composés résiduels de la pâte de ciment :
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zone 1 : gel de silice;
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zone 2 : gels de C-S-H décalcifiés;
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zone 3 : gels de C-S-H décalcifiés, ettringite;
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zone 4 : gels de C-S-H décalcifiés, ettringite, monosulfoaluminate de calcium;
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zone 5 : hydrates sains.

La lixiviation s'accompagne de la précipitation de composés potentiellement expansifs. Par exemple, dans le cas de la lixiviation par une eau faiblement minéralisée, la dissolution du monosulfoaluminate de calcium hydraté et de l'ettringite permet de remobiliser des sulfates susceptibles de précipiter sous forme expansive. De la même façon, l'attaque d'un béton par de l'acide sulfurique conduit à la formation de composés sulfatiques expansifs. L'expansion de ces composés peut être suffisante pour conduire à la fissuration du béton.
La cinétique de dégradation par les phénomènes de lixiviation dépend fortement de la nature du milieu fluide considéré, et en particulier du pH (la cinétique est d'autant plus rapide que le pH est faible). Cette cinétique, gouvernée par des lois de diffusion, évolue en racine carrée du temps. Par ailleurs, dans le cas des eaux naturelles, l'agressivité est dépendante de la dureté et de la teneur en dioxyde de carbone agressif. Bien que les cinétiques de dégradation puissent être rapides dans le cas d'attaques acides ou par des solutions salines souvent associées à l'usage intensif d'engrais (nitrate d'ammonium par exemple), la cinétique d'attaque des bétons par les eaux naturelles (eaux pures ou eaux douces) reste en comparaison très faible. A titre indicatif, des essais réalisés en laboratoire avec un maintien constant du pH montrent que la cinétique de dégradation avec une eau à pH 4,5 est 100 fois plus lente que elle obtenue avec une solution d'ammonium fortement concentrée.